"Il faut associer les hommes". La ministre de l'Égalité des chances au sujet de l'égalité entre hommes et femmes

Le Jeudi: Êtes-vous féministe?

Françoise Hetto-Gaasch: Du point de vue des objectifs du féminisme, oui. Les femmes doivent avoir les mêmes droits que les hommes, dans tous les domaines. Mais je ne suis pas enthousiaste par rapport aux méthodes. Il faut associer les hommes, les embarquer sur le même bateau et surtout arrêter de les culpabiliser. Nous, les femmes, nous mettons nous-mêmes des bâtons dans les roues. Nous ne nous soutenons pas assez les unes les autres. Je pense aux résultats des dernières élections communales. Nombre de candidates de qualité n'ont pas été élues.

Le Jeudi: Vous traitez l'égalité entre hommes et femmes...

Françoise Hetto-Gaasch: Nous ne fermons pas les yeux sur les problèmes qui concernent les garçons ou les hommes. Les moins bons résultats scolaires, le taux de suicide plus élevé, les problèmes de dépendance, les divorces difficiles, la pression au travail... D'où l'idée de ce "bureau des hommes" (nous chercherons un meilleur terme). Les premiers ouvriront à l'automne, en partenariat avec la Maison de la Porte ouverte et Pro Familia.

Le Jeudi: L'année écoulée a été marquée par les discussions sur l'égalité de salaires et l'accès des femmes aux postes à responsabilités dans les entreprises.

Françoise Hetto-Gaasch: Les choses ont bougé. La Fedil a fait son état des lieux, mis en place des formations, et lance un cycle de conférences. Il y a vraiment une volonté de renforcer les femmes dès le départ pour les accompagner vers des postes à responsabilités. L'ABBL a également fait son état des lieux. C'est indispensable, puisque dans deux ans nous ferons le point. Si rien n'a évolué, il y aura une loi. Nous la préparerons d'ici là. Mais la situation n'est pas mauvaise. Dans les entreprises de plus de 500 salariés, nous avons 20% de femmes dans les conseils d'administration. Les Français, avec les quotas, sont à 22%. Je sens que les hommes sont prêts et défendent la mixité comme une plus-value. On ne peut pas pénaliser une femme pendant toute sa carrière parce qu'elle a mis au monde un enfant!

Le Jeudi: La campagne Megafamily a été plus ou moins bien accueillie. On vous a reproché de vous immiscer dans les comportements privés. Que répondez-vous?

Françoise Hetto-Gaasch: Je me défends de ce reproche. Il ne s'agit que d'un test pour évaluer le partage des tâches au sein du ménage, qui n'a rien de contraignant. La campagne a été un succès, même si le volet pour les employeurs est plus en retrait. Ils sont invités à témoigner de leurs modèles d'organisation du travail innovant ou extraflexible pour créer un climat propice à la conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle dans leur entreprise.

Le Jeudi: Quelles sont les priorités pour le reste de votre mandat?

Françoise Hetto-Gaasch: La réforme de la violence domestique, qui passe en commission parlementaire, l'encadrement de la prostitution, la sensibilisation aux stéréotypes qui se poursuit, l'équilibre dans les prises des décisions, l'encouragement de l'entrepreneuriat féminin, les actions positives en entreprises...

Le Jeudi: Comment parler de parentalité?

Françoise Hetto-Gaasch: C'est une des clés du problème. Si nous voulons plus de femmes politiques, plus de responsabilités, il faut discuter du partage des tâches. Derrière chaque femme forte, il faut un homme fort. Le gouvernement a créé un bon cadre de crèches et de maisons relais, mais ça ne suffit pas. Il faut une volonté dans le couple. Le congé parental, par exemple, n'est pris qu'à 26% par les hommes. Cela peut encore freiner l'embauche des femmes. Il faudra aussi redéfinir les horaires de travail.

Le Jeudi: Justement, vous avez avancé le modèle de travail à 75% pour les deux parents. Des échos?

Françoise Hetto-Gaasch: Il faudrait calculer l'impact sur les salaires, notamment dans les carrières moyennes ou supérieures. Et il faut convaincre les patrons que quelqu'un qui occupe un poste à responsabilités n'a pas besoin de travailler à 120%. Les Suédois disent que celui qui commence à 8h00 et reste jusqu'à 18h00 est mal organisé. C'est une autre mentalité. Il ne faut pas oublier non plus que cela est temporaire. Peut-être seulement pendant que les enfants sont petits.

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