"Une vision positive". La ministre de l'Égalité des chances au sujet du rôle des femmes dans la société luxembourgeoise actuelle

Lëtzebuerger Gemengen: Quel rôle les femmes jouent-elles dans la société luxembourgeoise actuelle? Comment les tâches et les budgets se répartissent-ils entre les deux sexes?

Françoise Hetto-Gaasch: Une étude d'Eurostat révèle que le taux d'emploi des femmes âgées de 20 à 64 ans au Luxembourg est passé de 48% en 1987 à 60% en 2008. C'est une belle évolution, mais force est de constater que les femmes restent souvent celles qui, dans un couple, prennent leur congé parental ou travaillent à temps partiel ce qui se répercute forcément sur leur salaire et, plus tard, sur leur pension. J'aimerais aussi souligner que celui qui reste à la maison pour prendre en charge l'éducation des enfants a un retour. Il ne faut pas considérer cela comme un sacrifice. Pour moi, qui ai toujours travaillé à mi-temps quand mes enfants étaient petits, c'était une expérience enrichissante de les voir grandir. En ce qui concerne la participation des femmes à la vie politique, les choses bougent également de manière positive.

Lëtzebuerger Gemengen: Qu'est-ce qui explique que ce soient plutôt les femmes qui ne travaillent pas, travaillent à temps partiel ou mettent momentanément entre parenthèses leurs carrières pour s'occuper des enfants et du foyer?

Françoise Hetto-Gaasch: Je crois que c'est surtout une question de mentalité, bien que ce soit mieux qu'il y a 30 ans.

Cela dit, les hommes sont de plus en plus nombreux à prendre le congé parental. Lorsqu'il a été introduit, en 1999, seulement 6% des hommes étaient concernés. Dix ans plus tard, en 2009, ils étaient 23%. C'est une nette amélioration en 10 ans. Les hommes ont tendance à opter pour le congé à mi-temps pour rester en contact avec leur entreprise ou avec leur administration car, pour une grande partie, les hommes qui prennent le congé parental travaillent dans la fonction publique. Ce taux a également à voir avec la flexibilité des entreprises, qui, pour certaines, mettent en place des initiatives permettant une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle (vidéo-conférences, télétravail, etc.).

Lëtzebuerger Gemengen: Quelles sont les actions concrètes menées par le ministère pour encourager les femmes à poursuivre une carrière sans devoir mettre de côté leurs velléités légitimes d'indépendance?

Françoise Hetto-Gaasch: Le rôle du ministère est avant tout d'informer les femmes et les hommes des conséquences qu'aura leur choix de se consacrer aux enfants, sur leur pension par exemple. Il est ensuite très important, à mon avis, de laisser au couple la liberté de décider qui va être en charge de l'éducation.

Il nous appartient aussi de proposer des structures de garde d'enfants plus flexibles pour répondre aux besoins des parents qui travaillent en postes. Le ministère peut, par ailleurs, faire avancer les choses par le biais des actions positives qu'il mène avec les entreprises pour instaurer des modèles plus souples d'organisation du travail.

Enfin, je pense que la sensibilisation des enfants à avoir une autre idée du partage des responsabilités doit se faire dès le jeune âge. C'est la raison pour laquelle nous collaborons avec le ministère de l'Education nationale pour des actions de promotion de l'égalité femmes/hommes au sein des écoles.

Lëtzebuerger Gemengen: Le nouvel outil LOGIB pour l'égalité des salaires dans les entreprises a été présenté en novembre dernier. En quoi consiste-t-il?

Françoise Hetto-Gaasch: Il s'agit d'un outil volontaire et anonyme, que toute entreprise qui occupe plus de 50 salariés peut télécharger gratuitement. Il permet de faire une auto-analyse et de détecter d'éventuels problèmes. Je pense que les dirigeants d'entreprises ne sont pas toujours conscients des inégalités salariales et du peu de place qui est accordé aux femmes dans les postes de décision, même si selon Eurostat, 26% des chefs d'entreprise au Luxembourg sont des femmes. Une étude américaine très sérieuse montre clairement qu'un bon équilibre entre femmes et hommes dans les postes à décision contribue à un meilleur chiffre d'affaires.

Nous utilisons également cet instrument pour les actions positives que nous menons avec les entreprises. Dans ce cadre, une enquête de satisfaction est menée auprès du personnel. Elle permet de déterminer par quels moyens il serait possible d'améliorer la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Le ministère accompagne alors les entreprises dans la mise en oeuvre d'un plan d'actions et les soutient financièrement par le biais d'un agrément. Nous nous sommes fixé comme objectif de signer dix contrats par an. Nous collaborons également avec le ministère du Travail pour nous donner les moyens de réduire les inégalités salariales. Nous réfléchissons à donner plus de pouvoir aux délégués à l'égalité au sein des entreprises et aux inspecteurs de l'lnspection du travail et des mines, afin qu'ils aient la possibilité de, respectivement, vérifier et sanctionner ces inégalités.

Lëtzebuerger Gemengen: Comment le ministère soutient-t-il les communes dans la mise en place d'une politique d'égalité des chances?

Françoise Hetto-Gaasch: Par exemple, en les invitant à souscrire à la charte européenne d'égalité. Elles sont déjà onze à avoir entamé une telle démarche qui passe par un état des lieux, la définition et la mise en pratique d'objectifs, ainsi que le suivi et l'évaluation des initiatives. Le ministère de l'Egalité des chances subventionne un demiposte au sein du Conseil national des femmes pour accompagner les communes intéressées par l'adhésion à une telle charte.

Nous appelons les communes d'abord à se doter de commissions à l'égalité et de délégués à l'égalité, ensuite à encourager les femmes à entrer en politique au moment de la définition des listes électorales, par exemple en organisant des réunions d'information qui donneraient à chacun un bagage avant de se lancer dans l'aventure. Le ministère soutient de telles actions, tant au niveau de l'organisation qu'au niveau financier, dans la mesure où elles servent à motiver davantage de femmes à être candidates pour les élections communales. Je trouve qu'un bon équilibre femmes/hommes est primordial, parce que nous avons des vues et des priorités très différentes, mais souvent complémentaires et, si nous mettons nos idées ensemble, je suis sûre que nous pouvons atteindre notre but. Nous avons prescrit un cours obligatoire qui informe sur l'égalité femmes/hommes dans le cadre de la formation INAP que doivent suivre les fonctionnaires pour avancer dans leur carrière.

Lëtzebuerger Gemengen: Le mot de la fin...

Françoise Hetto-Gaasch: Ce qui me tient particulièrement à cœur est d'impliquer les hommes dans la réalisation de cette égalité femmes/hommes. Si nous continuons, en tant que femmes, à travailler dans notre coin, nous n'avancerons plus. C'est pour cela que j'insiste régulièrement sur le fait que nous sommes un ministère de l'Egalité des chances femmes/hommes et non plus un ministère de la Promotion féminine.

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