Françoise Hetto-Gaasch, Discours à l'occasion de la table ronde "Quotas de femmes dans les conseils d'administration: vraie avancée ou totale régression?"

Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureuse de pouvoir vous compter si nombreux aujourd’hui dans le cadre de notre table-ronde intitulée "Quotas de femmes dans les conseils d’administration: vraie avancée ou totale régression?".

Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais profiter de l’occasion pour adresser un grand merci aux femmes leaders pour leur collaboration dans le cadre de notre événement de ce soir.

Même si nous avons décidé de choisir le 8 mars, journée internationale des femmes, comme date de notre table-ronde, j’aimerais préciser que les quotas ne concernent pas exclusivement les femmes, mais peuvent certainement être une approche très intéressante pour les hommes.

C’est entre autres pour cette raison que nous avons essayé de structurer l’équipe d’intervenants de manière paritaire en termes de sexes, comme vous avez déjà pu le remarquer sur notre invitation.

Mais nous avons également essayé de structurer le panel de telle façon à ce qu’il y ait un nombre égal d’opposants et de défenseurs.

Je crois que vous êtes tous très curieux de connaître l’avis de chacun des intervenants par rapport aux quotas, surtout de voir quelle peut être la thèse des adhérents aux quotas, comme celle des opposants.

Peut-être que le débat sera révélateur d’une éventuelle législation en matière de quotas ou au contraire arriverons-nous à la conclusion que d’autres mesures moins contraignantes suffisent pour atteindre une égalité des sexes dans les conseils d’administration.

En effet je crois que certains d’entre vous ont eu le plaisir de participer durant la journée au Female board pool organisé par Rita Knott, Présidente de la maison du Coaching, Mentoring et Consulting.

La diversité en entreprise restant une préoccupation fondamentale pour Madame Knott, cette dernière est cependant d’avis qu’il vaudrait mieux ne pas devoir recourir à des solutions extrêmes pour créer une égalité des sexes.

Ainsi le séminaire de cet après-midi avait pour objet de montrer les différentes stratégies permettant aux femmes d’occuper des postes de direction, sans nécessairement devoir utiliser la voie des quotas.

Il est intéressant de voir que c’est la première fois que le Female Board Pool a été organisé ici au Luxembourg, en collaboration avec l’Université de Saint-Galle de Suisse.

Ce comité s’est donné comme objectif de se porter fort de la qualification des femmes dans l’accès aux conseils d’administration et de surveillance des entreprises. L’idée est d’atteindre un certain pourcentage de femmes compétentes et engagées au niveau des postes de direction des sociétés et organisations luxembourgeoises.

Dès lors la devise est la suivante:

  • trouver,
  • soutenir, et
  • associer les membres du comité.

Même si actuellement la tendance va vers les quotas, aussi bien en matière de politique européenne, et peut-être bien aussi en matière de politique nationale, je voudrais exprimer mes compliments à Madame Knott pour croire encore en la bonne volonté des acteurs économiques dans l’instauration de la parité hommes/femmes dans les postes de direction.

L’on peut certainement se poser la question de savoir si et dans quelle mesure des instruments, tel que le Female Board Pool, qui sont basés sur une approche volontaire peuvent constituer une alternative crédible aux quotas.

Mais est-il vraiment dans l’intérêt des femmes et des entreprises elles-mêmes, si nous nous passons des quotas?

Certes des progrès ont été escomptés au cours de ces dernières années dans les conseils d’administration des entreprises, mais pas à ce point significatifs pour que l’on puisse parler d’une victoire en termes d’égalité homme/femme.

En effet même si le nombre de femmes qui travaillent n’a cessé d’augmenter ces dernières années, les postes de dirigeants restent toutefois majoritairement occupés par des hommes. Malgré des actions de sensibilisation soutenues par le ministère de l’Egalité des chances, cette situation n’a guère changé au Luxembourg.

Ce problème se rencontre partout dans le monde.

Ainsi la Norvège, était le premier pays au monde à imposer un quota de 40% de femmes dans les conseils d’administration des entreprises.

La loi norvégienne vise en premier lieu les entreprises cotées en bourse, mais les exigences de quota se sont également appliquées dès le départ aux instances dirigeantes des entreprises publiques d’Etat ou intercommunales. Finalement cette loi s’applique à toutes les entreprises dont l’Etat norvégien est propriétaire et à toutes les sociétés anonymes de droit privé.

Avant que le Parlement norvégien n’intègre la disposition sur les quotas dans le droit des sociétés, le taux des femmes dans les conseils d’administration atteignait tout juste 6%. Aussi, jusqu’en 2006, la progression est restée modeste, le taux s’élevait alors à 16%.

En 2009 le Gouvernement norvégien pouvait se féliciter d’avoir adopté la loi sur les quotas, dans la mesure où les données statistiques ont démontré que le taux des femmes à la tête des entreprises a atteint les 40% prévus.

Même si la part des femmes n’a pas dépassé ce minimum en 2010, il y a néanmoins de quoi s’en vanter.

La situation au Luxembourg par contre n’est pas très impressionnante.

On n’y compte toujours que 16% de femmes dans les conseils d’administration, tous secteurs confondus de l’économie, et il faudrait peut-être s’interroger sur l’urgence qui existe de remédier d’une façon ou d’une autre à cette situation désolante.

Quant aux sociétés cotées en bourse, d’après nos dernières informations, sachez qu’il y a moins de 3% de femmes dans les conseils d’administration.

Mesdames, Messieurs,

Ne croyez-vous pas que le moment soit venu de s’inquiéter au vu de tels chiffres ?

D’autres pays de l’Union européenne ont franchi le pas, tel l’Espagne dont le Gouvernement a décidé en 2008 qu’un quota de 40% de chacun des deux sexes devait être atteint d’ici 2015.

En effet la loi espagnole impose aux entreprises publiques et qui liste les firmes qui ont plus de 250 employés à appliquer un quota minimum de 40% pour les deux sexes dans la composition de leurs conseils d’administration, ce à partir de 2015.

Aujourd’hui déjà on peut dire que cette loi a montré ses premiers effets, dans la mesure où la représentation des femmes dans les conseils d’administration espagnols a augmenté de 5% en 2006 à 10% en 2009.

En France aussi l’idée des quotas a été adoptée le 13 janvier 2011. L’idée est donc toute récente.

L’Assemblée nationale a accepté la proposition de loi, portée par les députés Jean-François Copé et Marie-Jo Zimmermann, prévoyant deux paliers:

  • un premier quota de 20% de femmes dans les conseils d’administration et les conseils de surveillance dans les 18 mois suivant la promulgation de la loi, et
  • 40% dans les quatre ans.

Vous voyez donc que bon nombre de pays ont fait le choix d’instaurer les quotas dans les conseils d’administration.

Que ces quotas s’adressent aux entreprises privées, publiques, ou qu’aux seules sociétés cotées en bourse, peu importe, l’idée est là, et elle est peut-être notre unique solution pour remédier à l’inégalité des sexes qui règne dans les conseils d’administration.

Mais pour être sûr que c’est la bonne solution, il faut sans doute dans un premier temps peser le pour et le contre.

C’est pour cette raison que je vous propose d’écouter maintenant le point de vue de nos invités sur ce sujet pour le moins délicat.

Merci de votre attention.

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